Il y a de quoi être tout à fait désé(xas)pérée par la réforme que nous prépare Blanquer.
Beaucoup ignorent en quoi elle va sévir sévère, n'en ont retenu que les détails dont on a beaucoup entendu parler (les drapeaux dans les classes, la scolarité obligatoire à trois ans), ou ne veulent pas croire ce qui se dit, tellement c'est gros (on est alarmiste, spa possibe c'qu'on raconte, ça se fera pas).
Et pourtant, si tu veux mon avis, l'école de la confiance de Blanquer, on peut (vraiment) pas lui faire confiance, et voilà pourquoi, thèse antithèse foutaises.
Déjà, ça commence fortiche, l'article 1 veut garantir tous les autres en restreignant la liberté d'expression des enseignants (déjà soumis au devoir de réserve des fonctionnaires). Ton premier droit, ton devoir plutôt, ça sera désormais celui de fermer ta goule (demain je ferme mon blog).
Les articles 2, 3 et 4 imposent l'école obligatoire à 3 ans. Bon, un peu plus de 97% des enfants de cet âge sont déjà scolarisés (au passage, quand ils ne le sont pas, c'est bien souvent parce qu'ils ne sont pas encore propres: va-t-il falloir accueillir les petits avec leurs couches désormais, et qui se chargera de les changer pendant la journée, mmmum?). Ce qui va changer réellement (et pas que les couches), davantage que les 2 ou 3% d'élèves de petite section en plus, c'est que toutes les mairies (certaines le faisaient déjà, paraît-il) devront désormais financer les écoles maternelles privées sous contrat, forcément au détriment des écoles publiques car le budget municipal n'est pas extensible, tu penses. Un beau cadeau au privé, donc.
L'article 5 traite de l'école inclusive (c'est-à-dire de l'accueil des élèves handicapés, qu'on doit accueillir de plus en plus nombreux dans les classes, puisque les structures adaptées ça coûte cher et que donc on en réduit les effectifs, voire même on les ferme, c'est plus simple, et encore plus économique, héhé (ndlr)) sans prévoir aucune amélioration du statut et du salaire des AESH (les personnes qui les aident au quotidien dans les classes) précarisées avec des CDD sans aucune perspective, ni aucune formation, d'ailleurs. Ni rien prévoir non plus quant à la formation des enseignants, qui, responsables de la scolarité des enfants handicapés accueillis dans leurs classes, ne sont pas formés du tout DU TOUT, rien de rien du tout. (Seuls les instits spécialisés le sont, qui interviennent dans des classes spécialisées). (Et au passage, on n'a plus de RASED complet (réseau d'aide aux enfants en difficulté scolaire) quasiment partout, et à certains endroits on n'en a plus du tout, pour mémoire)(mais ça, rendons-le à César, ça ne date pas de Blanquer).
L'article 6, un sacré morceau là aussi, annonce la création d'établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF).
Les écoles seront rattachées au collège du secteur, oui oui oui. Fini la petite école familiale, place à la grosse structure impersonnelle, mater, élem et collège à direction unique. L'EPSF sera dirigé par le principal du collège, aidé d'un adjoint dont le recrutement sera fixé par décret. Et les directeurs d'école, alors donc? Quand les parents auront quelque chose à dire à un responsable de l'école pour une raison ou une autre, genre quand le bonnet aura été perdu dans la cour, (je te cause pas de quand ça sera quelque chose d'important), il faudra s'adresser au principal du collège (qui sera forcément drôlement content d'entendre parler de problème de bonnet à la mater)(et qui traitera cette affaire avec le plus grand empressement, on se doute)? Si c'est pas nier le travail au quotidien et l'utilité des directeurs d'école, ça.
Mais bon, tous ces postes de direction supprimés, ça va nous faire de belles petites économies, mine de rien, allez.
Parce qu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, l'article 9 enterre le CNESCO, organisme indépendant pour l'évaluation du système scolaire qui sera remplacé par le CEE, piloté par le ministère en personne. On ne montrera plus ses culottes sales à tout le monde.
Les articles 10 et 11 annoncent la création des INSPE qui remplacent les ESPE qui avaient remplacé les IUFM qui avaient remplacé les Ecoles Normales (on s'amuse bien, nan?).
Dès la L2 (deuxième année de fac), les étudiants qui se destinent à enseigner pourront se voir confier des missions de remplacement. En voilà une économie non négligeable, une fois encore, hein. Et le concours aura lieu en fin de M2 (en fin de M1 actuellement), une année de gagnée à ne pas payer l'année de stage après le concours, hop là.
[Bien sûr, je focalise un peu plus sur le primaire que sur le secondaire. Mais je m'inquiète aussi de la réforme du bac, si tu veux savoir (ce que je peux m'inquiéter, en ce moment, dis donc). Je trouve tout aussi désé(xas)pérant que, sous couvert de "moderniser le bac" et d'offrir plus de choix aux élèves, on en vienne à proposer l'idée que les lycéens pourront suivre des cours sur plusieurs établissements, ou bien suivre des cours en amphi, que les lycées soient mis en compétition, que le bac d'un établissement n'ait pas la même valeur que celui d'un autre vu qu'une bonne partie du bac sera notée en contrôle continu, que le nombre d'heures de cours soit prévu à la baisse, que parce qu'on manque de profs de maths on décide de mettre les maths en option en terminale (tu sais combien j'aime les maths), que des AED (surveillants de collège et lycée), pour pallier aux nombreuses suppressions de postes, puissent désormais remplacer les profs absents et faire cours à leur place (sans pour autant que leur salaire soit augmenté, évidemment, et sans augmenter leur effectif non plus) (dans la même lignée que les recrutements de profs sur le bon coin, je dis).
Bref, dans le secondaire aussi, on réforme en réalité pour faire des économies, plutôt que pour améliorer les conditions de travail des élèves.]
Billet bien évidemment ouvert (encore plusse que d'habe) à vos remarques en commentaires, il va sans dire (s'en dire).
*Allez, pour me faire pardonner ce billet technique et chiant (mais nécessaire), la prochaine fois je vous mets du Mads, ne me remerciez pas, c'est tout naturel.