Note bien mon ami: je ne te cause pas de ce qu'il a gagné au ping', je te cause de ce qu'il a gagné en hérédité capillaire.
Brisefer, depuis toujours, il n'aime pas qu'on lui coupe les tifs. Sauf que jusqu'à il n'y a pas si longtemps, il ronchonnait mais se laissait faire en attendant que ça passe et n'y pensait plus jusqu'à la prochaine fois, alors que depuis quelque temps il refuse obstinément de se laisser approcher par tout ce qui ressemble à une paire de ciseaux. Il est djeun, que veux-tu, et le bien dégagé autour des oreilles ça pue du cul léger, tu vois.
La belle affaire, me direz-vous, il n'a qu'à se les laisser pousser si ça lui chante, hein.
On voit bien que vous ne connaissez pas les tignasses qu'on a chez nous, vous. On les a épaisses, drues, touffues, ni raides ni frisées ça pousse à -la- va- comme, ça ne ressemble à rien d'aimable, c'est indomptable indompté et indomptible, bref, chez Bellzouzou, avec son plafond, on a bien des malheurs rhalala.
Pour mémoire, son père c'est ça sur son couvercle,
sa mère, il suffit qu'elle entre dans un salon de coiffure pour entendre distinctement soupirer la coiffeuse qui sait qu'elle va en avoir pour des plombes à dés-épaissir la tignasse,
et quant à sa grand-mère maternelle, quand elle demandait il y a quelques années qu'on lui coupe les tifs, la coiffeuse répondait avec empressement que Ouhla oui, là ça fait carrément queue de vache! (véridique, et tellement vrai même que Bellzouzou l'aïeule n'a jamais changé de coiffeur pour tout vous dire). Et ne croyez surtout pas qu'en vieillissant ça s'arrange, parce que ma grand-mère elle est défunte avec sa crinière de vingt ans sur la tête, crois-moi pas si tu veux.
Alors avec Brisefer, pensez bien que j'ai tout essayé pour lui domestiquer -un peu- la chevelure, hein: lui parler de son casque, de sa perruque, de son foin à buffle, l'appeler Crasse-Tignasse, lui parler de passer un casting pour playmobil, lui proposer de le payer pour qu'il y mettre de l'ordre, il s'en fiche tout ce qu'il y a de plus peau de balle et balai de crin, et en attendant, ça pousse, ça pousse, sur les yeux, sur la nuque, sur les oreilles,
c'est l 'i n v a s i o n, c'est le péril jeune.
L'Ours, désespéré mais philosophe: "il faudrait que ça soit une fille au collège qui le lui dise".
Et il n'a pas tort, je crois. (une fille, viiiiiiiiite!)
(évidemment, ç'aurait été bien plusse parlant avec une photo je suis d'accord avec vous, mais Brisefer a refusé catégoriquement de poser parce qu'il n'est "pas une bête de foire nan mais oh!", et il vous fait savoir que lui, il se trouve "très bien, d'abord".)