L'autre jour, il fallait se faire encore plus beau que d'habitude pour aller à l'école, parce c'était la fotodklass. La maîcresse elle l'avait déjà dit hier soir que demain c'était la fotodklass, mais nous la fotodklass on sait pas ce que c'est, on est petits on n'en a jamais fait.
N'empêche qu'on a compris que c'était grave, la fotodklass, quand on a vu comme les mamans elles faisaient bien attention qu'on n'ait pas d'épi dans les cheveux et puis toutes les recommandations qu'elles ont faites à la maîcresse en arrivant, qu'il fallait nous enlever les lunettes, le gilet, parfois les deux, et qu'elle vérifie bien qu'on a toujours la raie bien à droite sur la tête et aussi qu'on sourit sur la photo, hein, pas comme mon frère l'année dernière, parce que Mamie Claudette elle met la photo sur son buffet et elle aime bien quand on lui fait un beau sourire, Mamie Claudette.
On a commencé à s'inquiéter, quand on a vu que la maîcresse, elle perdait un peu les pédales, à discuter avec les mamans qui avaient l'air nerveuses comme tout, et à noter qui devait poser seul et en groupe, en groupe mais pas seul, seul mais pas en groupe, qui devait poser avec son frère, avec sa soeur de l'autre classe, et puis les trois ensemble aussi, si c'est possible et pensez bien aux lunettes, surtout, merci. Et puis la maîcresse elle a dit à une maman qui lui demandait quand on les aurait, les fotodklasses et si elle était sûre que ça serait avant Noël et comment il faudrait s'y prendre pour les commander et pour commander des retirages pour Mamie Claudette, que bon sang elle n'en savait fichtre rien et puis qu'on allait commencer par les faire, avant de se demander quand et comment on les aurait, ces fichues fotodklass, hein.
On a commencé à se demander ce que c'était que cette histoire de fotodklass, et même si on voulait encore y aller à la fotodklass, et quand le photographe est venu nous chercher, il y en avait déjà quelques-uns qui pleuraient, même que le photographe il a fait sa tête de ah ben ça commence bien dites donc à la maîcresse.
Ensuite on a vu que c'était rigolo, en fin de compte, la fotodklass, parce que dans le préau il y a avait un gros appareil photo et des parapluies qui faisaient de la lumière qu'on aurait dit qu'on était sous les sunlights des tropiques, et puis aussi, parce qu'on attendait tous comme un troupiau que le photographe et la maîcresse ils nous appellent un par un, et c'était bien parce qu'on pouvait se rouler par terre en criant, la maîcresse était trop occupée pour nous empêcher.
Ce qui n'était pas trop rigolo, c'était quand le photographe et la maîcresse ils nous appelaient parce que c'était notre tour d'aller devant les parapluies qui faisaient les sunlights des tropiques et qu'ils nous faisaient les yeux très méchants, parce qu'on ne les entendait même pas nous appeler tellement on faisait des âneries, et après les yeux méchants, il fallait qu'on nous mouche, qu'on nous essuie la bouche, qu'on nous coiffe, qu'on nous reboutonne le pantalon, même qu'on nous remette la chemise dans le pantalon, qu'on nous empêche de manger nos crottes de nez et puis nous qu'on reste sans bouger, à pas regarder là où on voulait regarder et à regarder là où on voulait pas, et à sourire mais pas crispé je te prie et pas en fermant les yeux non plus ni en mettant les doigts devant la bouche, et tout ça c'était drôlement pas facile parce que nous on est petits, on sait pas.
On voyait bien que le photographe et la maîcresse ils avaient de moins en moins envie de rigoler, mais à un moment, ils sont devenus tout rouges et ils ont commencé à suer, c'était quand c'était le tour des jumeaux et des jumelles et qu'il y en avait toujours un des deux qui était bien quand l'autre regardait ailleurs ou se mettait à loucher, mais nous on a trouvé ça chouette parce que ça durait encore plus longtemps et on pouvait faire encore plus de patin à roulettes avec les bras pendant ce temps.
Là où ils ont sué le plus fort, c'était quand il a fallu aller chercher les frères et soeurs qui sont dans les autres classes et que la maîcresse elle savait jamais dans laquelle, et nous on pouvait pas l'aider parce qu'on est trop petits pour dire dans quelle classe il est, notre frère, et puis aussi parce qu'on était trop occupés à faire du pédalo sur les épaules.
Il y des grands frères qui ont trouvé ça rigolo qu'on ait le droit de faire tout ce qu'on voulait dans cette classe et qui ont voulu rester avec nous au lieu de retourner dans leur classe après la photo, mais la maîcresse elle les a chassés en disant que si vous croyez que j'ai que ça à faire, d'en surveiller des qui sont pas à moi, en plus, non mais sans blague.
A la fin de la fotodklass, le photographe il avait l'air fatigué comme tout, mais il a pris sa respiration et il a dit que bon ben maintenant on allait faire la photodgroup, et puis il a soupiré très fort en regardant la maîcresse et la maîcresse aussi elle a soupiré très fort en regardant le photographe et elle a dit que allez faut pas se laisser abattre, on tient le bon bout, et tous les deux ils ont rigolé nerveusement.
Nous on s'est un peu inquiétés parce qu'on est petits et qu'on ne savait pas du tout ce que c'était que cette fotodgroup et il y en a quelques-uns qui se sont remis à pleurer, mais la maîcresse elle était plus d'humeur à les consoler parce que quand ils faisaient les fous tout à l'heure ils n'avaient pas du tout envie de pleurer, elle a dit.
Pour la fotodgroup, le photographe a dit que si tout le monde y mettait du sien ça irait vite et que c'était simple écoutez-moi bien, tout le monde allait se mettre autour d'un banc, les moyens assis, les petits en tailleur devant par terre et les grands debout derrière.
Alors là on a pas été d'accord du tout pour s'asseoir, tout le monde voulait être debout derrière parce qu'il disait qu'il était grand. Même ceux qui sont tout petits ils disaient ça, alors la maîcresse a dit que maintenant ça suffisait, qu'elle allait choisir elle-même qui allait être assis et qui allait être debout que c'était comme ça et pas autrement et que si on n'était pas d'accord eh bien c'était pareil, et il y en a qui se sont mis à pleurer très fort parce qu'ils étaient grands et qu'ils ne voulaient pas être assis, et il a bien fallu les consoler parce qu'ils n'allaient pas pleurer sur la fotodgroup quand même, et puis ensuite il a fallu les moucher, et la maîcresse s'est rendu compte qu'il fallait aussi nous repeigner et nous reculotter parce qu'à force de faire de la planche à roulette sur les mains on était tout décoiffés et tout mal culottés.
Quand on a été tous beaux et prêts à faire la fotodgroup, il y en a qui ont dit qu'ils avaient envie de faire pipi et la maîcresse a répondu que ce n'était pas le moment et qu'on irait plus tard et Simon s'est mis à pleurer parce que c'était très pressé et Lisa a pleuré aussi mais c'est parce que pour elle, c'était déjà trop tard. La maîcresse a dit pour la consoler qu'aujourd'hui ce n'était pas grave le pipi à la culotte, qu'on irait se changer tout de suite après, et que sur la photo le pipi ça se verrait pas, et il y en a plusieurs qui ont fait pipi à ce moment-là parce qu'ils savaient maintenant que c'était pas grave, que le pipi ça se voyait pas sur la photo.
On a fini par faire la photodgroup et on a bien cru que ça s'arrêterait jamais les sunlights des tropiques parce que le photographe voulait toujours faire une autre photo, il disait que ça n'allait pas, à cause qu'il y en avait un qui s'en allait jouer au coin-dînette parce qu'il avait vu qu'il y avait personne et que ça n'arrive jamais, un qui tirait la langue ou qui regardait comment ils étaient les copains derrière lui, un qui faisait le zouave devant parce que la maîcresse elle posait elle aussi tout derrière et elle pouvait pas le gronder. A chaque fois, le photographe relevait la tête, nous faisait les gros yeux, regardait la maîcresse en secouant la tête, disait allez une petite dernière pour que toutes les mamans soient contentes, hein, vous voulez qu'elles soient contentes, les mamans,
NON?
Moi, je crois que les mamans vont être très contentes, parce qu'on en a fait vraiment beaucoup, des photos, pour qu'elles soient contentes.
D'autres qui sont contents c'est nous, parce qu'on a bien vu que c'était chouette, la fotodklasse, et on est même prêts à recommencer demain si les mamans et la maîcresse elles veulent. Mais on n'est pas sûrs pour le photographe, parce que quand il est parti avec ses parapluies et ses lumières des sunlights des tropiques, il avait l'air drôlement soulagé et il ne nous a même pas dit au revoir les petits chéris.