Quelle bonne idée, non mais vraiment, la réunion pédagogique, en général, et le jeudi soir en particulier.
Les pauvres collègues sont déjà assis avec l'air morose et les yeux mi-clos, je me dis que ça commence bien, certains ont gardé le manteau (l'envie d'être là, vraiment), d'autres ont le cahier ou l'ordi ouvert, pour faire illusion, peut- être. Il flotte dans l'air comme une mauvaise odeur de cantine, mais on commence, allez, on est motivé: on a un ordre du jour et des bullet points. Il semblerait qu'on doive réfléchir à des choses hautement pédagogiques, alors qu’en vrai, on pensera juste à ce qu’on va manger ce soir et à si on osera enlever nos chaussures sous la table.
On ouvre un PowerPoint. Il fait quarante deux diapos. J'ai vu des thrillers avec moins de tension que ça, je rigole tout bas.
Il est question des valeurs de la République. Alors, j'ai fait classe debout à vingt-quatre miochons de moins de six ans pendant six heures avec des chaussures neuves, penser aux valeurs de la République là maintenant tout de suite bof, hein, tu imagines bien, mais j’opine mollement du bonnet. Je suis fatiguée. Et puis j’aime la République, dans l’absolu. Tout le monde s'est fait une raison de toute façon, on attend que ça passe, et effectivement, les anges passent, un par un, et aucun ne se prend les pieds dans le câble HDMI, dommage.
Et puis, tout à coup, au moment où tout le monde a sombré dans un coma pédagogique profond, on sonne au portail. Miracle, une distraction, de l'action, quelque chose. La femme de ménage vient nous avertir qu'il y a un livreur de sushis, pour Bastien. Or de Bastien, il n'y a pas chez nous. On rit, on propose de garder les sushis quand même. Ou de garder le livreur, à défaut. La femme de ménage dit que non, il est moche. Plus raisonnablement alors, dans un consensus d'une rare efficacité, on se dit qu'il est grand temps de rentrer, si c'est l'heure des sushis pour certains, ce n'est sûrement plus l'heure de réunionner pour nous, on se lève et on se casse et la pédagogie attendra bien encore un peu.
* Une histoire toute fraîche et à peine exagérée.